Quando soffia lo scirocco :
Aujourd’hui, c’est avec beaucoup de tristesse et de colère que je vous écris. Je ne parlerai pas de cuisine sicilienne, pas de plats à vous proposer mais un phénomène propre à cette ile. J’avais envie de vous parler du sirocco, ce vent chaud et sec venant du désert du Sahara et symbole climatique de la Sicile.
3 jours de sirocco fort et violent( le sirocco souffle 3 jours la plupart du temps), 3 jours de chaleur intense (40° à Palerme, record battu au mois de mai), 3 jours d’immobilisme, d’anxiété, de peur des incendies (très souvent criminels) et de ciel jaune rempli de sable.
Quand le sirocco arrive brusquement, , on a l’impression que le quotidien s’arrête.
Andrea Camilleri, célèbre pour son commissaire Montalbano, l’a écrit : « l’incapacité de mouvement qui en ces jours de sirocco te pousse à rester immobile… » Beaucoup d’écrivains italiens et siciliens ont écrit sur ce vent qui est indissociable de la Sicile, de Tomasi di Lampedusa dans le Guépard à Leonardo Sciascia qui le décrit dans toute sa violence et qui nous rappelle que, avant, dans les maisons de campagne, il y avait une pièce à part pour se protéger du sirocco et se rafraichir , comme une grotte en attendant que ça passe, « la camera dello scirocco ».
Malheureusement, aujourd’hui, on a peur du sirocco. Non seulement il détruit les plantations, plie les oliviers et les figuiers, brule le sol,
mais c’est surtout le moment où les pyromanes déclenchent des feux qui entrainent destruction et dévastation de la flore et faune de la Sicile.
Il y 4 ans, le 16 juin 2016, j’ai vécu personnellement cet épisode tragique et traumatisant. Le terrain derrière chez moi était pratiquement laissé à l’abandon et ce jour-là en Sicile le sirocco a soufflé très fort et a causé 500 incendies dans toute l’ile, un désastre, quelques blessés, des dizaines de familles évacuées, des habitations et structures balnéaires détruites (comme le Club Med à Cefalu) et tous d’origine criminelle. Pour moi, ce fut traumatisant et ça l’est encore, le bruit du feu et l’odeur irrespirable restent ancrés au plus profond de moi. Si ce jour-là, mes enfants et les voisins n’avaient pas été là, on aurait eu plus de dégâts. La peur de perdre nos animaux, nos chevaux et nos chiens a été forte. Devant le sirocco, nous étions seuls, les pompiers étant débordés, nous avons lutté avec nos propres moyens.Heureusement, aujourd’hui, le propriétaire du terrain nettoie scrupuleusement, ayant eu lui aussi des dégâts, oliviers complètement brulés.
Les incendies sont tous, pratiquement d'origine criminelle. Les raisons sont multiples, le sirocco aide bien sûr mais c’est la main de l’homme qui provoque l’incendie, sans aucun doute. A Altavilla Milicia, où j’habite, mercredi, un incendie a ravagé la réserve naturelle , des dizaines d’hectares de forêt partis en fumée, des maisons menacées, des familles évacuées (nous étions nous-mêmes préparés à évacuer) , des animaux morts ou blessés, une catastrophe naturelle, une tristesse infinie.
La vue qui chaque matin me donnait joie et réconfort (surtout en cette période de confinement) m’attriste.
C’est désolant et rageant.
L’été n’est pas encore arrivé et je crains le pire…